Grippe

Je viens de finir une course de 50 kilomètres, à mon arrivée on m’a mis un sac de ciment sur les épaules et jeté du sable dans les yeux. Je suis éreinté, épuisé, les jambes molles et le regard fiévreux. Je suis le théâtre d’une guerre invisible dont je comprends la raison sans le sens.

Si les virus sont autant que moi des ondes complexes et autonomes qui n’ont d’autres vecteurs que celui d’être, alors l’espace de mon corps est leur galaxie pleine autant de dangers que d’opportunités.

Je pourrais personnaliser l’un de cette légion, imaginer son histoire. Il a été expulsé par une toux sèche, hôte d’une gouttelette, écrasé sur une paume bienveillante qui le récupéra avant qu’il n’atteigne l’air libre et frais, mortel à deux nuitées. A l’occasion d’une poignée, il s’est laissé tomber sur le métal, étalé dans le froid et dans l’espoir. Ma main l’a recueilli un peu plus tard, lui et ses amis, assez nombreux pour une charge, prêts pour une colonie. Le temps de renifler, s’essuyer le nez, et voilà un refuge parfait : une bronche tiède, humide et calfeutrée. Restons au chaud, soyons plus nombreux.

Je pense aux grappes de pétards des fêtes folkloriques.

Je pense aux courbes fractales intelligibles à l’infini.

Pourvu que ce qui est en haut ne soit pas comme ce qui est en bas.