Echo des graves

Pourquoi vont-ils là, ces grains de sable, ces grains de sel, ces particules de poussière ? Pourquoi ils s’agglutinent, se regroupent et s’ordonnent quand la plaque de Chladni vibre en paliers ?

Il faudrait que les tremblements soient un tambour qui appelle, un signal, un totem.
Il faudrait que l’onde émise soit un ordre, une injonction, un crochet qui dit « viens ».

Je pense au surfeur sur une vague propulsé par la différence de pente des côtés, plus que par le sens, abrupte en façade, douce dans sa trainée.

Il faudrait que l’onde ne soit pas qu’une, il faudrait qu’en somme d’elle-même et de ses échos elle dessine une courbe attrayante, universellement séduisante. La vague est cette somme de gouttes d’eau qui propagent une danse décalée. Le rythme est le même pour toutes, en canon rigoureux.

Je pense à la gravité de ces monstres sphériques suspendus dans le néant. Tous en surface disent leur masse, ils sont les plus nombreux, leur unisson la plus intense, jusqu’au cœur du premier, unique et lointain du front, seul, faible, le dernier à parler, le creux de la trainée.

Il faudrait que la masse soit le mantra célérique de toute existence, une affirmation constante, unique et égale. La fière annonce de l’être, un appel dans le silence de l’éternité.
Il faudrait que ce cri bouclé soit la masse elle-même, celle de Mithra , enfant d’un logos spontané.

Cercle

Si tout n’est fait que de pures et simples sinusoïdes, comme un serpent à la bourre qui filerait sur une dune, alors qu’est-ce que cette « information » que Tesla évoque en pilier ?

Un changement, une variation, une différence entre hier et maintenant, le temps de faire ce nouveau  tour du cercle, sa nouvelle taille, sa nouvelle vitesse.

Je pense à la première question que je poserai à Dieu : « On fait comment un escalier en colimaçon ? »

Evénement

Je regarde les micro-vaguelettes sur le lac du matin. Le vent est doux, mais glacé. Il n’y a pas assez de souffle pour deviner une direction, ça clapote gentiment comme un refus du marbre. Chaos ordonné inintelligible, ondes qui se croisent et se saluent.

Au milieu de ce champ de cuillères en creux, j’imagine que tout à l’heure, un jour ou demain, quelques creux voisins ont dessiné la forme d’une fleur parfaite, pétales, cœur et quelques feuilles. Un événement aussi fugace qu’incertain, mais intelligible pour un humain, certainement surpris d’y voir un message, peut-être même un signe du destin.

Aussi, un événement serait un champ d’ondes diverses qui le temps d’une rencontre donnent l’impression que le chaos a cessé, la science une invitation à recommencer.

Grippe

Je viens de finir une course de 50 kilomètres, à mon arrivée on m’a mis un sac de ciment sur les épaules et jeté du sable dans les yeux. Je suis éreinté, épuisé, les jambes molles et le regard fiévreux. Je suis le théâtre d’une guerre invisible dont je comprends la raison sans le sens.

Si les virus sont autant que moi des ondes complexes et autonomes qui n’ont d’autres vecteurs que celui d’être, alors l’espace de mon corps est leur galaxie pleine autant de dangers que d’opportunités.

Je pourrais personnaliser l’un de cette légion, imaginer son histoire. Il a été expulsé par une toux sèche, hôte d’une gouttelette, écrasé sur une paume bienveillante qui le récupéra avant qu’il n’atteigne l’air libre et frais, mortel à deux nuitées. A l’occasion d’une poignée, il s’est laissé tomber sur le métal, étalé dans le froid et dans l’espoir. Ma main l’a recueilli un peu plus tard, lui et ses amis, assez nombreux pour une charge, prêts pour une colonie. Le temps de renifler, s’essuyer le nez, et voilà un refuge parfait : une bronche tiède, humide et calfeutrée. Restons au chaud, soyons plus nombreux.

Je pense aux grappes de pétards des fêtes folkloriques.

Je pense aux courbes fractales intelligibles à l’infini.

Pourvu que ce qui est en haut ne soit pas comme ce qui est en bas.

Fièvre

Je lis que la fièvre est une arme du corps, un outil, un réflexe. L’ordre est donné de laisser surchauffer, pariant que l’hôte malvenu ne sera pas adapté à ce nouvel environnement. A cela s’ajoutent de multiples autres réactions d’optimisations des défenses liées à cette débauche d’énergie, ce signal de guerre sans merci.

Je lis que la température est liée aux fréquences d’ondes, que l’énergie des photons en dépend. Plus vite, plus fort, la frénésie de Planck. Je vois mon corps comme un champ d’onde du carmin à l’écarlate, j’entends le tambour accélérer son rythme vers l’effréné.  J’espère que mes invités s’épuiseront avant moi.

Je pense à la vague de chaleur sur l’Australie.